- ALLEMAGNE - Aspects naturels et héritages
- ALLEMAGNE - Aspects naturels et héritagesL’Allemagne, grâce à sa situation géographique au centre de l’Europe, se trouve à un carrefour de civilisation. À l’est, elle est en contact avec le monde slave (Pologne, Tchécoslovaquie), au nord avec le monde scandinave (Danemark), à l’ouest avec le monde latin (France et Belgique). Les mers n’ont jamais été un obstacle (l’existence de la Hanse l’a bien montré). Les contacts sont anciens avec la Norvège, la Suède et surtout l’Angleterre (les Angles et les Saxons; la livre Sterling venant de la monnaie utilisée par les hanséates appelés Osterlinge). À travers l’Autriche et la Suisse, autres pays germaniques, l’Allemagne est en contact avec l’Italie, le monde slave du Sud (Yougoslavie) et le monde magyar. Aucun pays en Europe, voire au monde, n’a des contacts aussi diversifiés. L’Autriche et la Suisse alémanique, par leur culture, leur histoire, les structures économiques, sociales, culturelles et régionales (le fédéralisme), font partie de l’espace germanique. Pour des raisons pratiques, l’étude qui suit se limite à l’Allemagne. Néanmoins, le lecteur devra se souvenir qu’il n’y a pas de véritables frontières à l’intérieur de l’espace germanique.De la mer du Nord et de la Baltique aux Préalpes de Bavière, les paysages sont multiples et variés. L’Allemagne se partage, essentiellement, en deux domaines naturels: la moyenne montagne ou Mittelgebirge, avec ses bassins et vallées, et la grande plaine du Nord. Elle ne déborde que faiblement sur le monde alpin. C’est dans ces deux domaines que les peuples germaniques ont exercé leur pouvoir civilisateur. On l’a vu lorsqu’au Moyen Âge les vagues de colonisation ont porté loin vers l’est le front pionnier. Des paysages ordonnés, une agriculture intensive ont été implantés en milieu slave. L’introduction du droit urbain allemand (Stadtrecht ) a contribué à l’implantation du fait urbain.Mais la colonisation n’a pas été que rurale et urbaine. Elle s’est aussi tournée vers les montagnes moyennes qui sont devenues des massifs miniers et industriels. Il n’est pas exagéré de dire que la puissance industrielle de l’Allemagne a ses racines qui plongent dans le Moyen Âge.Il serait abusif de ramener la géographie de l’Allemagne uniquement à ses aspects matériels ou matérialistes. L’histoire montre le génie créateur des peuples germaniques. On n’a pas le centralisme à la française avec la prééminence de la capitale. Le polycentrisme est un des fondements de la géographie, de l’économie et de la culture de l’Allemagne. Il n’y a jamais eu de capitale unique du monde germanique. Ce polycentrisme se reflète à travers les aspects régionaux qui restent très vivaces. La Réforme a été un grand tournant. Le monde protestant n’est pas monolithique. Il est plus favorable que le monde catholique au travail industriel et à la richesse. On ne peut comprendre l’Allemagne sans faire appel à l’héritage protestant. Le morcellement politique (Kleinstaaterei ) a pu paraître un inconvénient au moment de l’élaboration des grands États modernes (XVIe-XVIIe s.). Certes, l’Allemagne a alors pris du retard sur ces derniers. Mais aujourd’hui cela présente bien des aspects positifs. Nombre de villes importantes sont d’anciennes capitales princières; elles sont de nos jours des centres culturels à l’héritage riche. Il faut souligner tout particulièrement le rôle des villes. Le Moyen Âge voit la création de centaines de villes. Nombre d’entre elles seront au XIXe siècle les foyers d’accueil pour l’industrie naissante.Le XIXe siècle, surtout après la victoire de 1870-1871 sur la France, verra une explosion industrielle et urbaine. De nouvelles villes apparaissent dans les Reviere (régions industrielles). La Gründerzeit fait croire que l’expansion allemande ne connaît pas de limites. À travers toutes les périodes, la ville, grande, moyenne ou petite, marque la civilisation allemande, justifiant la phrase de Peter Schoeller: «Was Deutschland ist, wurde es durch seine Städte» (ce que l’Allemagne est, elle le doit à ses villes). Aussi l’économie, la culture de l’Allemagne sont-elles le fait des villes en général. L’apparition à la fin du XIXe siècle de la Großstadt industrielle donne une nouvelle dimension à la civilisation urbaine et industrielle.L’effondrement de l’Allemagne, en 1945, marque un nouveau tournant. Jamais, depuis l’expansion médiévale, le germanisme n’a été refoulé aussi loin vers l’ouest. La partition de l’Allemagne, la chute de Berlin comme capitale d’une Allemagne unitaire ainsi que la partition de la ville avaient créé des conditions nouvelles. Au lendemain de la défaite de 1945, nombreux étaient ceux qui croyaient que l’Allemagne était à tout jamais rayée de la liste des grandes nations. Le redressement des deux Allemagnes doit être souligné, malgré des régimes politiques différents. Pour la R.F.A., on avait pu parler de «miracle», alors que le protestantisme ignore ce genre de manifestation. La situation de l’ancienne R.F.A. est le résultat d’un labeur intense et constant, d’une discipline librement consentie, de structures dynamiques héritées du passé, mais qui ont fait leurs preuves. Des qualités humaines analogues se sont retrouvées dans l’ex-R.D.A., quoique avec des structures plus rigides et paralysantes.Les deux Allemagnes étaient séparées par une frontière politique, culturelle, économique, en somme par une frontière de civilisation. Est-ce à dire qu’elles se tournaient le dos? Certainement pas. Une histoire et une langue communes, une diffusion des mass media qui ne pouvait être limitée par les douaniers font que les liens entre les deux parties n’ont jamais cessé d’exister, voire de s’amplifier. La révolution pacifique du mois de novembre 1989 a montré combien ces liens étaient profonds. Mais il convient de souligner que, grâce à l’appartenance de l’ancienne R.D.A. au monde socialiste et slave, les liens avec ce dernier ont pu être approfondis.En 1937, l’Allemagne avait une superficie de 472 034 kilomètres carrés. La partition de 1945 l’a ramenée à 356 957 kilomètres carrés, soit 248 625 kilomètres carrés pour la république fédérale d’Allemagne et 108 331 kilomètres carrés pour la République démocratique allemande. Après l’unification de la R.F.A. et de la R.D.A., la nouvelle Allemagne occupe une surface de 357 480 kilomètres carrés.1. Milieux et facteurs naturelsSur le plan de la géographie physique, on peut distinguer trois Allemagnes: l’Allemagne alpine; le Mittelgebirge; la plaine du Nord et les îles.L’Allemagne alpineL’Allemagne alpine comprend deux éléments: la montagne alpine et le plateau de Bavière qui la précède vers le nord.La montagne alpineLa montagne alpine correspond au seul Hochgebirge (montagne à glaciers et à neiges éternelles) situé sur terre allemande (à l’exclusion de l’Autriche et de la Suisse alémanique). Il s’agit des Préalpes du Nord, formées d’un ensemble de chaînons de calcaires triasiques et jurassiques, précédés vers le nord de collines de flysch. Le tout s’étire d’ouest en est sur une longueur d’environ 250 kilomètres. Au contact du plateau bavarois, on note les formes fraîches des moraines würmiennes dont certaines emprisonnent des lacs pittoresques dominés par des châteaux. Néanmoins, on peut distinguer trois aspects régionaux.1. Les Alpes de l’Allgäu, à l’ouest du Lech, correspondent essentiellement à la zone de drainage de la haute Iller. La montagne culmine à 2 645 mètres (Mädelegabel). Les hauts sommets sont constitués par les calcaires résistants, mais le flysch (grès et schistes mêlés à des conglomérats) occupe la plus grande étendue.2. La partie centrale, entre Lech et Inn, est la plus élevée. Elle est constituée par une série de chaînons parallèles, séparés par des dépressions où l’on circule facilement. L’élément le plus marquant est le Wettersteingebirge dont le point culminant, la Zugspitze (2 963 m), est aussi le sommet le plus élevé de toutes les Alpes allemandes. Les crêtes sont parallèles d’ouest en est, mais traversées perpendiculairement par des vallées: Lech, Ammer, Loisach, Isar, Inn.3. À l’est de l’Inn s’annoncent les Alpes de Salzbourg (Autriche). Les Chiemgauer Alpen sont un massif de flysch culminant à moins de 1 700 mètres. Les aspects proprement alpins sont moins prononcés que dans les Kitzbüheler Alpen, immédiatement au sud. Par contre, l’appendice, ou le tracé de la frontière que constituent les Berchtesgadener Alpen, présente un aspect plus grandiose. Calcaires (Dachsteinkalk ) et dolomie, plissés et fracturés, forment des paysages majestueux, aux dénivellations impressionnantes.Le plateau de BavièreLe plateau de Bavière s’étend au pied des Préalpes depuis le lac de Constance jusqu’en Autriche. Du sud au nord, trois aspects peuvent être dégagés:1. Le passage de la montagne au plateau se fait brutalement. Toutefois, au pied de cette dernière se trouve, le plus souvent, un ruban de moraines (frontales) fraîches, de l’époque Würm, dont certaines renferment un lac. Les moraines des glaciations plus anciennes sont situées plus au nord; elles ont été effacées en partie par l’érosion. Néanmoins, en général, les lacs se trouvent à l’intérieur d’un vallum morainique (Ammersee, Würmsee [ou Starnberger-See], Chiemsee).2. La zone précédant les moraines est formée par les terrasses fluvio-glaciaires, énormes accumulations de galets et graviers (Schotter , d’où Schotterterrassen ). S’inclinant du sud au nord, sous forme de plans inclinés, elles sont sèches au sud et plus humides au nord, du fait de la proximité de la nappe phréatique. La tectonique aidant, de grandes tourbières ont été construites à certains endroits: Dachauermoos et Erdingermoos au nord de Munich (Moos – en bavarois Moor – signifie tourbière), le Donaumoos au sud d’Ingolstadt.3. Au nord-est et au sud du Danube, les sédiments tertiaires affleurent. C’est un pays de collines, les rivières ouvrent la région sur le Danube. Mais, tout autour, le lœss fertile abonde. Le Hallertau, entre Lech, Isar et Danube, est riche en céréales.La vallée du DanubeLe fleuve, encore peu important en Bavière, franchit l’Alb (Jura souabe) par des défilés (Weltenburger Enge, Neuburg), de même la masse cristalline du Bayerischerwald (entre Vilshofen et Passau), à la suite de surimpositions (gorges épigéniques). La vallée est aussi une succession de défilés et de bassins. Les plus importants de ces derniers sont: le Donauried entre Ulm et le confluent du Lech, le Donaumoos près d’Ingolstadt, le bassin de Straubing.Le fleuve est encore largement un torrent alpin. Les rivières issues des Alpes l’emportent sur celles de la rive gauche. Les rivières alpines ont leurs basses eaux en hiver et leurs hautes eaux en été. L’Iller a un débit moyen de 57 m3/s, alors que le Danube au confluent de ce dernier n’atteint que 53 m3/s. Le Lech débite en moyenne 120 m3/s, l’Isar 180 m3/s et l’Inn 740 m3/s. Le Danube marque le contact avec les mondes slave et magyar.L’Allemagne hercynienne: Mittelgebirge, bassins et valléesIl s’agit de l’Allemagne moyenne, située entre l’Allemagne alpine et la plaine du Nord, les délimitations nettes n’étant pas toujours faciles à établir. Les influences hercyniennes prévalent, c’est-à-dire plissements prétriasiques, massifs cristallins et métamorphisés, faibles couvertures sédimentaires, volcanisme en relation avec la fracture des massifs anciens. Cette partie de l’Allemagne est composée par une mosaïque d’unités naturelles plus ou moins grandes. On peut regrouper ces dernières en deux ensembles: le Mittelgebirge et les bassins.Le MittelgebirgeIl s’oppose au Hochgebirge, ne connaissant ni neige éternelle ni glaciers actuels. Les altitudes sont moyennes, n’atteignant pas 2 000 mètres. Le critère géologique n’est pas le seul à retenir. Il y a aussi les aspects climatiques (décroissance de la température en altitude, neige en hiver, château d’eau). La diversité géologique et morphologique est grande. Les montagnes aux surfaces sommitales plus ou moins planes sont séparées les unes des autres par des bassins d’effondrement, des bassins sédimentaires, ou reliées entre elles par des bassins sédimentaires (Bassin souabe-franconien entre la Forêt-Noire et le Böhmerwald).C’est dans et autour du Mittelgebirge que s’est développée et épanouie la civilisation allemande. C’est à la fois une zone de dispersion et une zone de convergence. La plupart des massifs sont fortement minéralisés (Harz, Erzgebirge). Grâce au fer, au cuivre, au plomb et à l’argent, ces massifs ont connu une colonisation médiévale intense. L’extraction minière est vieille de mille ans et plus. À la richesse en forêt (énergie) s’ajoute l’abondance de l’eau. Les bordures immédiates du Mittelgebirge sont également riches en matières premières: charbon (Ruhr), lignites (Rhénanie, Saxe), sel et potasse (Saxe, Thuringe). La tradition et la puissance industrielles allemandes se sont constituées dans et autour du Mittelgebirge. Le Mittelgebirge est précédé, vers le nord, par de riches plaines de limons (Börde).Le fossé rhénanLe cours du Rhin n’est pas rectiligne. Le grand fleuve coule à travers quatre milieux différents en Allemagne:1. Depuis la frontière austro-suisse jusqu’à Bâle. Le Rhin traverse le lac de Constance, ancienne vallée glaciaire d’origine tectonique, puis franchit les chaînons jurassiens; enfin, il coule sur la retombée méridionale de la Forêt-Noire.2. À Bâle, il entre dans le fossé du Rhin supérieur, après s’être dirigé jusqu’au Quaternaire en direction de la Saône. La plaine du haut Rhin est un fossé d’effondrement d’âge tertiaire. Elle reste une zone de subsidence inégale. Les énormes masses de sédiments accumulés contiennent du pétrole, de la potasse et d’énormes ressources en eau.3. À partir de Bingen, le Rhin entre dans le Massif schisteux rhénan (épigénie). Les paysages sont pittoresques (Lorelei); la vallée est étroite.4. Après Bonn, les montagnes s’éloignent, les bas-pays forment les paysages. La «baie géologique de Cologne» est une avancée des bas-pays dans le Massif schisteux rhénan. Le sous-sol contient des lignites.Les hautes terres encadrant le RhinLa Forêt-Noire rappelle les Vosges. Le Sud cristallin présente de grandes surfaces inclinées et des sommets arrondis. Le Feldberg (1 493 m) est le sommet culminant. Les marques glaciaires sont nombreuses: vallées, lacs (Titisee), verrous, cirques (Feldbergsee, Schluchsee). La tectonique explique la «baie» à la hauteur de Fribourg, entre le Höllental et l’Elz. À l’intérieur du massif, le tracé des cours d’eau en baïonnette est presque toujours en relation avec des fractures.Au nord de Fribourg se situe la Forêt-Noire centrale. La plus grande variété de roches se répercute à travers des paysages différenciés. Les grès font leur apparition. Ils dominent à l’est. En direction du fossé, des collines marquent la transition avec la plaine (comme les collines sous-vosgiennes, en France). La vallée de la Kinzig est la seule grande vallée à mordre sur le versant oriental.La partie septentrionale de la Forêt-Noire est constituée presque exclusivement par la couverture gréseuse, découpée par les rivières en une série de plateaux tabulaires.Vers le nord, la Forêt-Noire gréseuse est brutalement interrompue par le fossé d’effondrement du Kraichgau qui a influencé le tracé du Neckar. Saupoudré de lœss, le plateau est à la fois une riche région agricole et une importante zone de passage.L’Odenwald prolonge la Forêt-Noire gréseuse. Sa couverture de grès est faible, si bien qu’apparaît, dans les vallées et vers le Rhin, le soubassement cristallin. Le point culminant correspond à un pointement de basalte. Le Neckar entaille l’ensemble dans sa partie sud, créant des paysages pittoresques tels que celui qui a déterminé l’implantation du célèbre château de Heidelberg.Sur la rive gauche, dominant par un abrupt raccordé à la plaine du Rhin par un ensemble de glacis, la Hardt et la Forêt du Palatinat forment pendant à la Forêt-Noire et à l’Odenwald. Dans la Hardt, la masse gréseuse est fortement entaillée par l’érosion qui y a creusé des vallées pittoresques, dominées par la forêt. À maints endroits, la roche est entamée jusqu’aux grès permiens. Plus à l’ouest, les pays de la Sarre sont marqués par l’anticlinorium de Sarrebruck où les formations carbonifères ont une épaisseur de 4 000 mètres. Cent vingt-cinq veines totalisant 135 mètres d’épaisseur de charbon sont exploitables.Le Massif schisteux rhénan se développe au nord de la région précédente. C’est un ensemble de hautes terres où dominent les schistes dévoniens, souvent redressés. La direction des plis est sud-ouest - nord-est. Les schistes forment les surfaces ondulées, les quartzites, les crêtes boisées. Le massif se décompose en un certain nombre d’unités: l’Eifel, le Hunsrück, le Taunus et le Westerwald.– L’Eifel n’est pas uniforme. La partie la plus originale est celle marquée par le volcanisme (volcans, coulées, les Maare). Des fractures accompagnent ce dernier (Maifeld, Rhin).– Le Hunsrück ressemble à l’Eifel, avec le volcanisme en moins. La vallée de la Moselle s’est encaissée entre les deux massifs, formant des méandres pittoresques, occupés par la vigne.– Le Taunus, sur la rive droite du Rhin, doit son originalité aux quartzites qui forment les sommets. Le raccordement avec le Wetterau et le bassin de Mayence se fait par de gigantesques glacis.– Le Westerwald est plus diversifié. Il est truffé de petits bassins tertiaires dans lesquels se sont accumulées des argiles utilisées pour la céramique.Siegerland et Sauerland sont d’anciennes terres minières, surtout le premier. En 1900, on y recensait cent soixante mines de fer et trente-quatre hauts fourneaux. Le Bergisches Land s’abaisse doucement vers le Rhin et vers le nord, où il se prolonge par la Ruhr. À partir de cette petite vallée débute un des plus grands gisements houillers du monde. Les couches, légèrement plissées, s’inclinent vers le nord.Les hautes terres de Hesse et de la WeserLe Hessisches Bergland est une région à géologie complexe. On y trouve des éléments tabulaires formés par le grès riche en minerai de fer qu’on a extrait jadis. C’est là que les frères Grimm ont recueilli les légendes germaniques (par exemple Blanche-Neige: la forêt, le travail dans la mine, les nains). Les éléments volcaniques forment une deuxième famille de paysages. Le Vogelsberg rappelle par sa structure le Cantal. La Rhön, épanchement volcanique sur la roche triasique, est imposante. Les fractures ont déterminé la localisation de stations thermales. Les vallées correspondent presque toujours à des accidents tectoniques (bassin de Kassel, Göttingen, Giessen, Marburg).Le Weserbergland est tout aussi complexe. Il est composé d’un certain nombre d’unités tectoniques: Teutoburgerwald, Wiehengebirge, Wesergebirge, Solling. Werra et Fulda drainent la partie sud puis rejoignent la Weser qui est le couloir principal.Massif elliptique, le Harz est le mieux connu de tous les Mittelgebirge allemands. C’est un bloc cristallin et métamorphique basculé vers le sud-est. Les sommets ont été nivelés à plusieurs reprises et soulevés au Tertiaire. On peut y distinguer plusieurs unités naturelles (Oberharz, Unterharz...). Le massif est fortement minéralisé (cuivre, plomb, argent, fer, etc.). C’est le berceau de l’industrie allemande.Les hautes terres de Thuringe et de SaxeLa forêt de Thuringe (Thüringerwald) constitue une échine allongée où les porphyres ont été mis en saillie par l’érosion. Elle se prolonge à l’est par le massif schisteux de Thuringe, nettement moins élevé. La forêt de Thuringe a été une importante région minière dès le Moyen Âge.L’Erzgebirge porte bien son nom (monts Métallifères). Ce massif ancien cristallin a été nivelé et basculé vers le nord, le côté abrupt se trouvant au sud. La montagne (points culminants: Fichtelberg, 1 215 m; Keilberg, 1 243 m) forme un gigantesque plan incliné vers le nord. Le sous-sol est fortement minéralisé (étain, zinc, plomb, argent, fer, antimoine, uranium). Le charbon était contenu dans de petits synclinaux. Son extraction remonte aux XIIIe et XIVe siècles. Elle a été arrêtée après 1945.Le Vogtland forme la charnière entre la forêt de Thuringe et l’Erzgebirge. La région correspond à la zone de drainage de l’Elster. Granites, gneiss, schistes et phyllites forment des paysages variés. Vers Plauen, ces derniers sont si pittoresques qu’on appelle la région la «Suisse vogtlandienne» (Vogtländische Schweiz). Plus à l’est, la vallée de l’Elbe correspond à un gigantesque graben dans lequel se sont conservés des sédiments permiens et crétacés. Les grès entaillés par l’Elbe et ses affluents donnent des paysages pittoresques, ruiniformes, si bien qu’on parle fréquemment de la Suisse saxonne (Sächsische Schweiz).Les bassins sédimentairesLe bassin de Souabe et de FranconieIl est délimité par la Forêt-Noire, le rebord du plateau bavarois au sud et le massif de Bohême. Grâce au Neckar, il fait partie de la zone de drainage du Rhin. Il est symétrique de la Lorraine, mais avec quelques nuances: son altitude est plus élevée; son sous-sol ne contient ni charbon, ni fer, seulement du sel; il ne fait pas partie d’un bassin plus vaste; il est fortement influencé (tectonique, hydrologie) par les massifs encadrants. Les couches d’inégale dureté ont donné lieu à un paysage de côtes (Stufe ). La Keuperstufe couronnée par des grès s’étend sur 130 kilomètres. À ses pieds, on trouve les petits pays appelés Gaue (singulier Gau ): Kraichgau, Strohgau... Le revers de la côte forme un plateau saupoudré de lœss, par exemple les Filder (Felder ), Frankenhöhe, etc. Ces plateaux sont suivis par une dépression liasique. Cette dernière est dominée par une seconde côte dont l’abrupt est de 250 à 500 mètres: c’est la Schwäbische Alb (Jura souabe). Grâce aux calcaires très durs et très épais, c’est la côte la plus importante d’Europe (Lemberg: 1 015 m). Le revers de la côte est un plateau qui s’incline vers le Danube. Celui-ci l’entaille fortement, créant des paysages pittoresques. Vers l’est, la Schwäbische Alb se prolonge par la Fränkische Alb dont la direction est sud-nord. L’altitude est moindre. À l’approche de la forêt bavaroise se dessine une dépression occupée par la Vils. On y trouve du minerai de fer (Amberg) et des lignites (Schwandorf). Les massifs anciens qui ferment le bassin vers l’est ne dépassent guère 1 000 mètres (Schneeberg: 1 051 m, dans le Fichtelgebirge).Le bassin de ThuringeIl est coincé entre le Harz et le Thüringerwald. Les couches de trias sont faiblement plissées et forment un bassin tant géologique que topographique. Les bordures sont constituées par du grès bigarré, le centre par le Keuper. Entre les deux se situent les calcaires coquilliers. Quelle que soit la voie de pénétration choisie, on est obligé de franchir ces trois formations qui constituent des côtes (cuestas). La couverture secondaire est percée à de nombreux endroits par la roche. De longues échines et dépressions de direction hercynienne marquent l’intérieur du bassin. Le lœss saupoudre une partie du bassin qui est une riche terre de labours. Le sous-sol est riche en sel.La plaine du NordGénéralitésLa plaine, dans son ensemble, est marquée par les glaciations quaternaires: le sous-sol est riche en sel, potasse, gaz et pétrole. L’inlandsis scandinave a recouvert pratiquement toute la plaine. On distingue trois phases glaciaires: l’Elster (Mindel), la Saale (Riss), la Vistule (Würm). On discute à propos d’une première glaciation qui correspondrait au Günz. Les moraines laissées par les glaciers forment le paysage des collines baltes (Baltischer Höhenrücken) qui emprisonnent les eaux. De là est né le plateau lacustre de Mecklembourg (Mecklemburgische Seenplatte). Plus loin au sud, la stagnation des fronts de glaciers a déterminé des zones d’accumulation des eaux de fusion. Ce sont les Urstromtäler , larges dépressions où se sont installés les cours d’eau (Elbe, Aller, Havel, Spree). La diversité de la plaine est beaucoup plus liée à la variété des roches qu’aux différences d’altitude.Au sud, au contact du Mittelgebirge, se développe un ruban plus ou moins large de lœss: ce sont les Börden ; issus du matériel morainique, les lœss donnent les meilleures terres à blé. Chaque Börde porte le nom de la ville la plus importante située à proximité (par exemple, Börde de Magdebourg). Cette zone court depuis la frontière hollandaise jusqu’en Pologne.Les différents milieux à l’ouest de l’ElbeCette région a été épargnée par la dernière glaciation. Néanmoins, on trouve plusieurs types de paysages hérités des époques glaciaires. La Geest correspond aux étendues de sables fluvio-glaciaires. La plus typique est la Lüneburger Heide, entre l’Aller et l’Elbe. C’est autour du Wilsederberg (169 m) que le paysage naturel est le mieux conservé (parc naturel).Les Moore (tourbières) correspondent aux régions basses, envahies par les sphaignes. Les tourbières les plus nombreuses se trouvent à l’ouest de la Weser. Le Bourtanger Moor est la plus grande, 1 400 kilomètres carrés, dont 1 000 kilomètres carrés en R.F.A. La tourbe y atteint une épaisseur de 14 mètres. La colonisation des tourbières est une page importante de l’histoire du peuplement de l’Allemagne du Nord. Les Marschen (polders), appelés Kooge en frison, occupent près de 8 000 kilomètres carrés (8/10 des polders hollandais). On distingue les Flussmarschen (polders fluviaux) autour de l’Elbe (Altes Land) et les Seemarschen (polders marins). Les plus célèbres de ces derniers sont: Harlingerland, Jeverland, Butjardingen, Dithmarschen. Il s’agit de régions agricoles riches où la lutte contre la mer (digues du Programme Nord) est permanente.La Wattenmeer est la mer «continentale» entre la côte et les îles, à découvert deux fois par jour. Les îles sont de deux sortes. Les Halligen sont des morceaux de Geest non endigués. Les autres sont entourées de digues, mais restent exposées aux terribles tempêtes (Sturmflut ). Leurs contours varient au gré de ces dernières.La région à l’est de l’ElbeLa Baltique ne connaît pas de marées. Son littoral est plus simple. Les grands estuaires sont absents. À l’arrière, les moraines récentes forment des paysages de collines et de lacs (collines baltes). Le Mecklembourg est souvent appelé le pays des mille lacs. Le Brandebourg est un pays de faible relief, mais où la juxtaposition de Urstromtäler, de surfaces sableuses, d’argiles glaciaires et de limon introduit des contrastes notoires. Le Spreewald occupe une partie d’un Urstromtal, d’où l’abondance des eaux. Les tourbières ne sont pas absentes, mais leur dispersion y est plus grande; leur taille est réduite.Le sud est occupé par une plaine qui correspond à un avant-pays montagneux. La «baie saxonne» de Leipzig-Halle est un bassin d’accumulation, de même la Niederlausitz (basse Lusace). C’est là qu’on trouve les gisements de lignites les plus importants d’Europe. Ils sont couverts par des sédiments tertiaires, eux-mêmes recouverts par le lœss. Ce sont des régions agricoles riches où les paysages changent au fur et à mesure de l’extraction des lignites, à ciel ouvert.L’Oder-Neisse, frontière avec le monde slaveL’Oder marque la frontière avec la Pologne sur 162 kilomètres. Son embouchure se trouve sur le territoire de cette dernière. La Neisse, affluent de l’Oder, continue la frontière vers le sud. L’Allemagne, telle qu’elle résulte de l’unification de 1990, possède 5 983 kilomètres de cours d’eau et canaux navigables, ce qui constitue un facteur économique de première importance.L’Elbe, un facteur d’intégration européenneL’unification des deux États allemands a pour conséquence d’intégrer l’Elbe, essentiellement, dans l’espace économique germanique. Prenant sa source en Tchécoslovaquie, l’Elbe franchit le Mittelgebirge à travers la pittoresque région de la Suisse saxonne (Sächsische Schweiz) et les monts Métallifères (Erzgebirge), avant de traverser les riches plaines lœssiques de la baie saxonne, la plaine du Nord et de se jeter dans la mer du Nord. L’orientation économique des cinq nouveaux Länder (Brandebourg, Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, Saxe, Saxe-Anhalt, Thuringe; ex-R.D.A.) change de sens. L’Elbe redevient le grand cours d’eau desservant la Tchécoslovaquie et Berlin. Le port de Hambourg est le grand bénéficiaire. Sans être comparable à la vallée du Rhin, la vallée de l’Elbe va connaître un nouveau départ.Le climatUne zone de transitionL’Allemagne est une zone de transition entre le milieu océanique à l’ouest et le milieu continental à l’est. Par ailleurs, le relief intervient dans la répartition des températures et des précipitations.L’Allemagne est tantôt sous l’influence océanique (pluies hivernales, étés tièdes et pluvieux), tantôt sous l’influence continentale (chaleurs estivales, froids hivernaux) résultant de l’extension de l’anticyclone de Sibérie. Les régions côtières connaissent des influences plus océaniques. En hiver, ces dernières peuvent prévaloir dans la moyenne montagne qui constitue un château d’eau, ce qui explique la rareté de la neige certaines années. Cependant, à l’est de l’Elbe, les hivers sont plus froids. L’Elbe peut geler, ce qui n’arrive pratiquement jamais au Rhin.Le déroulement météorologique au cours d’une année se présente comme suit, en moyenne. L’automne offre un temps ensoleillé agréable, quoique les matinées soient déjà froides. À la mi-octobre débutent les cyclones qui, sur les côtes, peuvent prendre une allure de tempête (les 31 janv. et 1er févr. 1953, 1 800 personnes furent tuées ou noyées). Des éclaircies avec pénétration d’air froid interrompent le passage des dépressions océaniques. Exceptionnellement, de l’air tropical peut remonter du sud. Lors du passage des dépressions au nord des Alpes, le föhn peut se déclencher (Bavière). L’atmosphère devient sèche. L’humidité de l’air diminue fortement, tombant jusqu’à 4 p. 100. En janvier débutent les arrivées d’air froid, liées à l’extension sur l’Europe de l’Ouest de l’anticyclone de Sibérie. Le ciel est sans nuages, les températures sont négatives. Le Mittelgebirge, toutefois, oppose une certaine résistance à cette pénétration. L’Allemagne du Sud, même, est touchée par cette extension. L’air froid peut aussi être d’origine polaire. La neige est liée à la pénétration d’air humide océanique. Les chutes de neige interviennent en février-mars. Les températures remontent lentement en mars. Avril est instable (giboulées, froid, neige). Le début du mois de juin peut être marqué par l’invasion d’air océanique frais. Les pluies de convection se placent en été, période où se produit le maximum de précipitations. L’effet du relief augmente les précipitations dans les régions de montagnes. En été, l’intrusion d’air sec, en provenance de l’est ou du sud-est, détermine les périodes de sécheresse. La température peut monter à 35 0C. Septembre voit une accalmie de l’activité météorologique. Le retrait de l’air océanique et l’arrivée d’air tropical continental déterminent l’été de la Saint-Martin (Altweibersommer ). C’est le calme avant le déclenchement des cyclones d’automne.Les aspects régionauxLes aspects thermiques et pluviométriques de quelques stations typiques peuvent illustrer les grands traits des aspects régionaux (tabl. 1).On peut distinguer les régions climatiques suivantes:– La plaine du Nord avec fortes influences océaniques sur le littoral et à l’ouest. Peu de gel et peu de neige. Des étés moins chauds. Des précipitations moyennes, relativement bien réparties sur toute l’année (station de Hambourg).– La partie orientale de la Grande Plaine (Potsdam et Cottbus) présente peu de nuances. Les précipitations sont faibles mais réparties sur un grand nombre de jours. Dans le Sud, les étés sont plus chauds.– La moyenne montagne montre des influences océaniques (Brocken). Aucun mois ne reçoit moins de 103 millimètres de précipitations. Le Harz est un château d’eau.– Le plateau bavarois subit des influences alpines (Munich). Juin et juillet sont bien ensoleillés (7 h 50 de soleil par jour). Les précipitations sont faibles en automne et en hiver. Le föhn n’apparaît pas dans les statistiques.– Le fossé rhénan est un milieu privilégié (Mayence). Les grands froids hivernaux sont rares. En été peut régner une chaleur étouffante. Le bassin de Mayence est la zone la plus sèche de la R.F.A. La vallée du Rhin occupe une situation d’abri.– La station de Stuttgart illustre la situationdu bassin de Souabe-Franconie: hiver peu froid, été souvent très chaud. Les précipitations restent relativement faibles.– La haute montagne est peu étendue en Allemagne. La Zugspitze est à peine plus arrosée que le Brocken. Aucun mois n’est sans gel. La neige joue un rôle très important (sports d’hiver).– La station météorologique de Leipzig représente bien la situation des pays lœssiques de la baie saxonne: la température moyenne, en juillet, est de 18,4 0C et en janvier de 漣 0,3 0C. On compte quatre-vingt-un jours de gel, autant que dans l’est de la France. Le bassin de Thuringe présente des chiffres analogues, l’hiver étant un peu plus froid. Les précipitations, dans ces deux régions, oscillent entre 510 et 560 millimètres par an. Les mois les plus secs se placent en hiver, ce qui ne contrarie pas la céréaliculture.Mis à part les régions de haute montagne et les régions les plus élevées du Mittelgebirge, toutes les régions présentent des conditions favorables à la vie agricole.La végétation et les solsSur le plan de la nature et de la répartition de la végétation, l’Allemagne présente tous les caractères d’une zone de transition. Climat, relief, roches, sols, activités humaines expliquent sa répartition. À l’origine, la forêt domine presque partout. La fin des glaciations a provoqué une conquête forestière quasi générale, mais avec un nombre de formations moins riches qu’à l’époque tertiaire. La période post-glaciaire comprend plusieurs stades: la toundra, époque pauvre en arbres; l’époque des forêts subarctiques de bouleaux et de pins (période Alleröd); le stade de la toundra récente, pauvre en forêts; c’est après ce dernier stade que la forêt s’étend rapidement. Les dépressions plus sèches sont occupées par la steppe (la Steppenheide -Theorie de R. Gradmann). Les différents stades plus récents et plus courts (préboréal, atlantique, subboréal, subatlantique) voient une diversification des espèces arbustives. Il y a mille ans, la limite supérieure des arbres était de 100 à 200 mètres plus élevée que ce qu’elle est aujourd’hui. L’extension du hêtre caractérise l’époque quiva de 2500 à 500 avant J.-C. Cet arbre gagne les hauteurs du Mittelgebirge et des Alpes. La forêt de chênes s’étend dans les zones basses. L’époque récente est marquée par un recul des feuillus et une progression des conifères. En 1927, les pins occupaient 44 p. 100 de la surface boisée, les sapins 25 p. 100, les autres conifères 2 p. 100, soit au total 71 p. 100 pour l’ensemble des conifères, contre 29 p. 100 aux feuillus.Jadis, le hêtre était l’arbre typiquement germanique; aujourd’hui, c’est le pin et le sapin. Le taux de boisement de l’ancienne R.F.A. est de 29,4 p. 100, celui de l’ex-R.D.A. de 27,2 p. 100.L’arbre et la forêt jouent un rôle fondamental dans la civilisation allemande (entre autres: rôle de la couleur verte). Le Waldsterben (la mort de la forêt), dû aux pluies acides, est devenu un drame national en R.F.A. D’importantes mesures de sauvegarde de la forêt ont été prises.L’éventail des sols est large. Les lœss (vallée du Rhin, Börden, plateau bavarois) constituent les meilleurs sols. Leur caractère alcalin les oppose aux sols acides dérivés des schistes et des grès. Dans les plaines, en dehors des régions de lœss, les sols podzoliques et les sols bruns forestiers couvrent les plus grandes étendues. Ils ont été considérablement bonifiés grâce aux engrais.L’hydrographieGrâce au climat à tendance océanique, les fleuves et rivières sont relativement bien alimentés en eau. Mittelgebirge et Alpes contribuent largement à l’alimentation des cours d’eau. Le coefficient d’écoulement est plus élevé que dans les régions méditerranéennes. Jamais les rivières ne sont à sec.Sur les 1 360 kilomètres du cours du Rhin, seulement 700 kilomètres concernent la R.F.A. Il subit dans sa partie supérieure l’influence des Alpes (neige, glaciers). À Bâle, aux basses eaux, son débit est de 330 m3/s (hiver) contre plus de 3 000 m3/s lors des crues (printemps). De Bâle à Strasbourg, la pente est forte (environ 1 p. 1 000), ce qui donne un écoulement torrentiel. À la hauteur de Strasbourg-Kehl, les crues sont de5 000 m3/s. À partir de là, la pente décroît (0,1 p. 1 000 à Mayence). L’apport des eaux de l’Ill, du Neckar, du Main, de la Lahn, de la Sieg, de la Moselle et de la Ruhr compense les effets alpins. Près de la frontière hollandaise, le débit moyen minimal est de 2 500 m3/s, le débit moyen maximal de 6 320 m3/s. Le Mittelgebirge et ses bassins forment 68 p. 100 du bassin hydrographique rhénan. Le régime initial nivoglaciaire devient, après le confluent du Main, pluvial ou nivopluvial.Le Danube n’a pas la valeur du Rhin. Sur les 2 850 kilomètres de son cours, seulement 650 kilomètres sont situés en R.F.A. Les apports alpins sont fondamentaux. Son régime, en R.F.A., est nivoglaciaire, avec les basses eaux en hiver. Les pentes sont fortes, ce qui le rend moins apte à la navigation. À sa sortie de la R.F.A., le débit moyen est de 1 415 m3/s.L’Elbe est le cours d’eau le plus puissant de la plaine du Nord. Il naît à 1 400 mètres d’altitude dans les monts des Géants en Tchécoslovaquie. La Saale lui apporte 92 m3/s, la Havel 80 m3/s. Les étiages sur le territoire de l’ex-R.D.A. entraînent la limitation de la navigation. En amont de Hambourg, le débit moyen est de 642 m3/s, ce qui équivaut au débit du Danube à Passau.La Weser est en partie un fleuve de montagne dont les sources sont la Werra et la Fulda. Le débit maximal se place en mars, le débit minimal en août. À la hauteur de Brême, le débit moyen est de 292 m3/s après que l’Aller lui a apporté 103 m3/s, ce qui est suffisant pour la rendre navigable.2. L’héritage industrielSi l’industrie allemande peut faire remonter ses origines au Moyen Âge, le grand essor, toutefois, ne date que du XIXe siècle. Le Harz, l’Erzgebirge, le Siegerland étaient d’actives régions minières et métallurgiques avant cette date. La découverte du charbon dans l’avant-pays du Massif schisteux rhénan, le développement du chemin de fer favorisent les plats-pays. On extrait 231 000 tonnes de houille dans la Ruhr en 1800, mais 2,1 Mt en 1850, 25,6 Mt en 1880 et 48 Mt en 1895. Tous bassins réunis (Ruhr, Aix-la-Chapelle, Sarre, Osnabrück, Saxe, Silésie), l’Allemagne produit 190 Mt de houille en 1913. Elle talonne la Grande-Bretagne. Aucune région allemande n’est très éloignée d’un bassin charbonnier. Grâce au Rhin et à ses affluents, le charbon de la Ruhr est distribué dans de nombreuses régions qui y trouvent une possibilité d’industrialisation. En 1927, on évalue les réserves de la Ruhr (jusqu’à 1 500 m de profondeur) à 188 milliards de tonnes, représentant un large éventail de qualités. Dans le cadre du IIe Reich, la Ruhr fournit 86 p. 100 de la houille consommée. La production est concentrée. Vers 1913, vingt konzerns ont des concessions minières. Les Vereinigten Stahlwerke (sidérurgie) produisaient à elles seules 26,6 Mt. Avec 7 Mt, Krupp n’arrivait qu’au quatrième rang des producteurs.L’ère wilhelmienne correspond au formidable essor industriel. Les noms de Krupp, Haniel, Klöckner, Mannesmann, Stinnes, Thyssen deviennent synonymes d’empires industriels. Ce développement est lié à un certain nombre de facteurs: abondance de l’énergie, formation de la main-d’œuvre, développement des universités et création des Technischen Hochschulen (Karlsruhe, Berlin, Munich, Stuttgart, Hanovre, Braunschweig, Dresde, Aix-la-Chapelle) orientées vers les applications industrielles, constitution d’un système bancaire régionalisé (entre autres, création des Volksbanken par Schulze-Delizsch), développement d’une infrastructure de moyens de transports de masse (rail, canaux, aménagement des rivières), développement des infrastructures et des équipements urbains. Mais il convient de ne pas oublier le rôle de quelques individus. On connaît l’histoire de Krupp, son ascension. Son konzern emploie soixante-huit mille salariés en 1910. Werner Siemens (1816-1892) est le fondateur d’un autre empire industriel. Il crée en 1847 à Berlin la Telegraphen Bauanstalt Siemens und Halske: c’est le début de l’industrie électrotechnique. Emil Rathenau, le père du politicien Walther Rathenau, fonde une société qui devient par la suite la A.E.G. Robert Bosch, en collaboration avec Gottlob Honold formé à la Technische Hochschule de Stuttgart, se lance dans la production de bougies et d’autres éléments pour automobiles. En 1916, il fait don de la somme énorme de 16 millions de marks-or au gouvernement pour la canalisation du Neckar. Gottlieb Daimler, un Wurtembergeois, s’associe au Badois Karl Benz pour la production de voitures. La célèbre firme produisant les voitures avec l’étoile à trois branches était née. Wolfgang Reuther est le créateur de la Demag, un des plus gros producteurs de machines et de matériel d’équipement du monde. Il est un exemple de la spécialisation, horizontale, des konzerns dans certains domaines hautement qualifiés. Enfin, un dernier exemple, à travers Herrmann Bahlsen, montre que même le domaine agricole pouvait être intégré dans le processus industriel. C’est en 1889 que H. Bahlsen se lance dans la production industrielle des fameux Leibnitz Keks (blé et sucre des Börden). À la veille de la guerre de 1914-1918, il envisage de construire une ville, Tet-Stadt (Tet est l’expression publicitaire de ses produits, tirée de l’égyptien signifiant «éternellement durable»). Ainsi le développement industriel est-il toujours en relation avec les activités de quelques fortes personnalités. Si ce phénomène a continué en R.F.A., la socialisation de la R.D.A. après 1945 avait complètement changé la nature de l’industrialisation.3. Le développement démographique jusqu’à la partition (1945)Malgré l’importance du milieu montagnard, l’Allemagne connaît un fort développement démographique. Cela est lié à trois séries de facteurs. D’une part, la mise en valeur agricole, historiquement, a été intensive, assurant de fortes densités; d’autre part, le travail «industriel» a été précoce et important, notamment dans le Mittelgebirge où l’agriculture ne donnait que peu d’espoirs de réussite; enfin, l’urbanisation a été rapide au XIXe siècle, en relation avec la très rapide industrialisation. Encore faut-il tenir compte que depuis 1683, date de l’arrivée du premier émigrant allemand, plus de sept millions d’Allemands ont émigré vers les États-Unis. En 1800, l’Allemagne dans les frontières de 1937 comptait vingt-deux millions d’habitants contre vingt-sept pour la France. Elle dépasse celle-ci en 1900 avec cinquante et un millions contre trente-neuf millions. De 1800 à 1900, l’Allemagne double sa population. L’augmentation est rapide dans la seconde moitié du XIXe siècle en relation avec l’industrialisation. L’émigration n’exerce guère d’influence sur le rythme d’accroissement. La première moitié du XXe siècle voit la continuation du développement: de 1900 à 1930, elle gagne encore treize millions d’habitants, malgré les énormes pertes de la Première Guerre mondiale. Toutefois, dans l’ensemble, c’est au cours de la période 1880-1914 (Gründerzeit ) que l’essor est le plus rapide.La croissance démographique est due essentiellement à l’excédent naturel. Dans la première moitié du XIXe siècle, le taux de natalité dépasse 35 p. 1 000. Pour le Land Bade-Wurtemberg, il est de 38,2 p. 1 000 en 1851 et de 35 p. 1 000 en 1901. Ce n’est que vers 1900 qu’il descend au-dessous de 30 p. 1 000. Dans la région très industrielle du Land Rhénanie-du-Nord - Westphalie, le taux de natalité atteint encore 31,1 p. 1 000 en 1913. Les régions industrielles ne voient fléchir leur taux de natalité qu’à l’approche de la Première Guerre mondiale. Certes, les taux de mortalité restent élevés au XIXe siècle, mais l’excédent naturel est presque toujours supérieur ou proche de 10 p. 1 000 par an. En 1913, l’excédent naturel pour la Rhénanie-du-Nord - Westphalie est de 17,5 p. 1 000. L’évolution démographique est en complet contraste avec celle de la France. Alors que la population de cette dernière stagne à partir de 1851, celle de l’Allemagne, en revanche, progresse. En 1914, l’Allemagne a une population jeune, ce qui explique bien des phénomènes psycho-politiques.La population urbaine ne représente que 36 p. 100 de la population totale en 1871, mais 60 p. 100 en 1910 (tabl. 2). En Saxe, grâce à l’industrialisation, la densité passe de 80 à 311 hab./km2 entre 1871 et 1910. L’actuelle région du Kommunalverband Ruhrkohlebezirk ne comptait que deux cent soixante-quatorze mille habitants en 1820. Elle dépasse trois millions en 1910. Même une région plus rurale telle que le Land Bade-Wurtemberg connaît une croissance rapide: sa population passe de 3,1 millions en 1861 à 4,6 millions en 1910. Malgré l’émigration des terres hautes du Massif schisteux rhénan, le Land Rhénanie-Palatinat double sa population entre 1817 et 1905 (1,2 et 2,4 millions). Les villes ne cessent d’être des foyers d’appel.4. La tradition urbaineSur le plan urbain, l’Allemagne peut compter sur un riche héritage. Une première période de création urbaine a été l’époque romaine: Trèves, Mayence, Coblence, Cologne, Augsbourg... L’Église catholique y a installé, le plus souvent, les évêchés. Le Moyen Âge a vu la création de centaines de villes. À la fin de celui-ci, on comptait, en Allemagne, près de quatre mille villes (communes ayant le droit urbain). Vingt-cinq seulement avaient plus de dix mille habitants. Mais le fait urbain était généralisé, et il allait se révéler fertile pour la suite. En effet, la ville, centre d’échanges, organise l’espace. À l’ère industrielle, ces petites villes (telles les villes de la Ruhr) allaient devenir les «centres d’accueil» pour les industries naissantes. Le morcellement politique allait favoriser, à partir du XVIe siècle, l’éclosion de villes princières (Residenzstädte ), petites capitales d’entités politiques plus ou moins indépendantes du pouvoir impérial. Il s’y ajoute, depuis le Moyen Âge, les villes libres impériales (freie Reichstädte ) soumises à un empereur lointain et jouissant d’une très large autonomie. La Réforme et la ContreRéforme ont donné à un certain nombre de villes des caractères spécifiques. En effet, pour défendre leurs idées, leur religion, autorités protestantes et autorités catholiques créent des universités (XVIe s.), qui vont apporter une contribution importante à la vie culturelle et à la vie économique. Au XIXe siècle apparaît une nouvelle génération de villes: les villes industrielles. Mines de charbon, sidérurgie, textile provoquent la concentration autour des usines. Le chemin de fer accentue ce mouvement. Certaines villes anciennes sont revigorées par les activités nouvelles. Mais nombre de petits centres connaissent une véritable explosion démographique. C’est le cas dans la Ruhr. Dans la seconde moitié du XIXe siècle naît aussi la Großstadt , c’est-à-dire la ville industrielle de plus de cent mille habitants. Ce chiffre semble être un seuil à partir duquel la ville change de nature, ses besoins prenant une tout autre ampleur que dans les villes de l’époque pré-industrielle.Le Rhin est générateur de croissance urbaine. Ludwigshafen (B.A.S.F.), Hoechst avant sa fusion avec Francfort (société Hoechst), Mannheim, Leverkusen (Bayer) doivent leur essor au charbon de la Ruhr et à la grande navigation rhénane. Même au XXe siècle se créent ou se développent de nouvelles villes. Dans la Ruhr, les cités plus récentes comme Rheinhausen, Oberhausen, Recklinghausen, Bottrop diffèrent des villes industrielles de la première génération: Essen, Bochum, Dortmund, Mülheim, encore que ces dernières essaient de s’adapter. C’est ainsi qu’à Essen Krupp fait construire la Margaretenhöhe, la première Gartenstadt (cité-jardin) selon les idées de Ebenezer Howard. La Gartenstadt-Gesellschaft, créée en 1902, combine constructions résidentielles et espaces verts, en réaction contre les Mietskasernen (casernes locatives) qui étaient la forme dominante de l’aspect résidentiel dans les quartiers construits pendant la Gründerzeit. La défaite de 1918 n’entame pas le courant créateur. Salzgitter (sidérurgie), Wolfsburg (Volkswagen), Rüsselsheim (Opel), Marl-Hüls (chimie) sont des créations récentes où les résidences sont plus étalées dans l’espace. Pendant ce temps, les villes anciennes s’étendent par l’adjonction de quartiers nouveaux. La grande ville prend de plus en plus d’importance, caractérisant la civilisation allemande. Même si Berlin se développe après 1871, la capitale ne fait pas le vide autour d’elle. Bien au contraire. Ainsi, à travers les siècles, on peut constater que le génie allemand a toujours été porté vers la création de villes. Ces énormes organismes, vus de l’extérieur, semblent des monstres inorganiques. Il n’en est rien. Le plus souvent la croissance a été organisée soit par la création de quartiers nouveaux, soit par l’incorporation (Eingemeindung ) de communes suburbaines submergées par l’industrialisation ou le raz-de-marée résidentiel. Ainsi, Francfort-sur-le-Main absorbe vingt-cinq communes et villes (dont Hoechst) entre 1877 et 1928. La loi de 1920 crée le Groß-Berlin, qui passe de 66 à 878 kilomètres carrés. Sept villes, cinquante-neuf communes rurales, vingt-sept domaines agricoles (Gutsbezirke ) sont réunis au Berlin historique. Du coup, Berlin devient la deuxième ville d’Europe. Ce processus d’incorporation est une tradition germanique que continue la R.F.A.
Encyclopédie Universelle. 2012.